lundi 30 mars 2015

Faits divers - Clément Rosset - ***

Un recueil de textes hétéroclites et inégaux, mais on retrouve avec plaisir l'humour, la finesse et l'intelligence de Clément Rosset.

Quatrième:
Gilles Deleuze, les vampires, Emil Cioran, Samuel Beckett, le dandysme, Friedrich Nietzsche, Raymond Roussel, Casanova, Arthur Schopenhauer, Jean-Luc Godard, Goscinny & Uderzo, Jean-Paul Sartre, Hugo von Hofmannsthal. Le réel, le double, l'illusion, le tragique, la joie, la musique, la philosophie, la politique, le péché, l'enseignement. Faits divers sont les miscellanées de Clément Rosset : le répertoire désordonné et jubilatoire de ses passions et de ses dégoûts, de ses intérêts et de ses bâillements, de ses tocades et de ses coups de sang ainsi que de la prodigieuse liberté de ton et de pensée avec laquelle il les exprime et les pense. Un des philosophes, un des écrivains les plus singuliers de notre temps revisite les coulisses de son oeuvre. Et vous êtes invités

dimanche 29 mars 2015

La communauté des sœurs / Les mentats de Dune - Herbert & Anderson - ****


Il est assez fascinant de constater que l'univers de Dune, dans lequel je traine mes pompes depuis plus de vingt-cinq ans finit par atteindre une espèce de réalité, de consistance. Ce cycle se situe entre "Dune, la genèse" et "Avant-Dune" et sera probablement une trilogie comme les autres. Le troisième sera probablement consacré aux navigateurs.
J'ai dévoré ces deux livres, faut bien l'avouer, même si le début du deuxième tome est un peu chargé de rappels quand on enchaîne les deux tomes. A travers une alternance de chapitres consacrés à des protagonistes différents, formule bien rodée, on est pris dans cette narration comme on l'était dans les opus précédents.
A lire donc...


Ce nouveau titre de la saga de Dune revue et prolongée par Brian Herbert et Kevin J. Anderson nous ramène dix mille ans en arrière, à l'époque de la création du Bene Gesserit et des autres ordres apparaissant dans Dune, Mentats, Maîtres d'armes, Navigateurs, etc.
Il se situe quatre-vingt-trois ans après la Bataille de Corrin, qui a mis fin au règne et même à l'existence des Machines pensantes qui ont menacé de détruire le genre humain. L'humanité subit de profondes transformations. En effet, le mouvement Butlèrien a entrepris de détruire toutes les formes de technologies dangereuses, bien au-delà des seules Machines pensantes. Il en résulte que par passion ou par intérêt, des groupes humains vont entreprendre de se doter des capacités qui étaient autrefois assurées par des machines. Un groupe existe déjà, celui des Navigateurs, qui peuvent choisir la bonne route à travers les subtilités de l'hyperespace. Il s'est assuré le monopole du voyage spatial et lutte contre le mouvement Butlèrien, s'efforçant avec une poignée de savants de préserver l'essentiel des acquis scientifiques.
L'ordre des Mentats, pour sa part, choisit de s'allier au mouvement Butlerien.
De son côté, sous la direction de la Révérende-Mère Raquella Berto-Anirul, qui, à la suite d'une empoisonnement manqué, a trouvé accès aux mémoires de tous ses ancêtres féminins, la Communauté des Soeurs est en proie à de grands désordres, une partie des Soeurs voulant rejoindre le mouvement Butlérien. Celui-ci soupçonne Raquella d'utiliser des ordinateurs pour mener à bien un immense projet génétique d'amélioration de l'humanité, ou du moins d'une de ses parties. De ces conflits et de diverses ambitions, vont surgir une nouvelle organisation de la Communauté, qui deviendra ultérieurement le Bene Gesserit.
Les familles Atreides et Harkonnen ne sont pas sorties non plus indemnes de la Guerre des Machines et des troubles qui ont suivi. Elles tentent de reconstruire leur influence et leurs fortunes avec des résultats inégaux.


La bataille de Corrin, conclusion de la guerre des Machines, a mis fin au règne et même à l'existence des Machines pensantes qui ont menacé d'asservir puis de détruire l'humanité. Il en a résulté l'interdiction absolue de construire des intelligences artificielles, interdiction consignée dans la Bible catholique orange sous la forme : « Tu ne feras point de machine à l'esprit de l'homme semblable. » Allant plus loin, le mouvement butlérien, sous la conduite de Manford Torondo, a entrepris de détruire toutes les formes de technologies dangereuses, bien au-delà des seules machines pensantes.
Du coup, l'humanité subit de profondes transformations. Par passion ou par intérêt, des groupes humains vont entreprendre de se doter des capacités autrefois assurées par des machines. L'ordre des Mentats, pour sa part, créé par Gilbertus Albans, a choisi de s'allier au mouvement butlérien.
Un entraînement spécial, formant à la logique la plus poussée dès l'enfance, et assisté d'une drogue, permet à certains hommes de devenir des « ordinateurs humains ». Mais Gilbertus Albans lui-même se trouve dans une situation difficile : s'il a rejoint un temps le jihad butlérien, il s'oppose à la politique du chef du mouvement, Manford Torondo, qui, devenu fou, veut abolir toute science.
De son côté, et pour équilibrer la puissance des Mentats masculins, la mère supérieure Raquella tente de reconstruire son École des soeurs avec l'aide de son élève la plus douée, Valya Harkonnen, qui poursuit aussi un autre but : tirer vengeance de Vorian Atreides, héros légendaire du jihad butlérien qu'elle tient pour responsable de la déchéance de sa famille. Ainsi naît le Bene Gesserit qui va se doter d'un programme secret : donner naissance, par sélection génétique, au Kwisatz Haderach qui maîtrisera tous les possibles de l'avenir.
Les trois ordres en cours de constitution, Bene Gesserit, Mentats et Navigateurs, qui ont pour but commun d'améliorer l'espèce humaine et de libérer ses potentiels insoupçonnés, vont-ils unir leurs forces pour s'opposer aux fanatiques butlériens ou s'opposer les uns aux autres au risque de se détruire ?


Allez, quelques entêtes de chapitres:

Quiconque cherche un sens à la vie entreprend une quête futile. La vie humaine n’a aucun but ni valeur.
Le général cymek Agamemnon,
Une Ère de Titans.


Les humains sont une cause infinie de perplexité et de fascination. Pas étonnant qu’ils aient besoin de tant d’émotions différentes pour pouvoir concocter des explications et des excuses à leur comportement irrationnel.
Érasme, Journaux de laboratoire


Y a-t-il quelque chose qui soit réellement tel que nous le percevons ? Quels sont les filtres de nos perceptions ? Les plus honnêtes parmi nous regarderont en profondeur pour déterminer de quelle façon nos opinions sont biaisées par nos propres illusions.
Formation de la Communauté des Sœurs Orthodoxes.


Il y a de la force dans le nombre, une puissance brute et primordiale. Mais à mesure qu’une foule grossit, sa capacité de raisonnement diminue.
Gilbertus Albans, archives de l’École Mentat.


Il ne suffit pas de répéter quelque chose souvent, et avec véhémence, pour que cela devienne un fait, et aucune personne rationnelle n’y croira quel que soit le nombre de répétitions.
Draigo Roget, rapport à la Holding Venport,
Analyse des comportements fanatiques.


Parfois, la meilleure façon de voir ce qui est familier est de s’en éloigner.
Sagesse du désert.


Des convictions inflexibles sont des choses puissantes.
Mais sont-elles une armure ou une prison ?
Une arme ou une faiblesse ?
Empereur Jules Corrino.

dimanche 15 mars 2015

Temps glaciaires - Fred Vargas - *****

Présentation:
Adamsberg attrapa son téléphone, écarta une pile de dossiers et posa les pieds sur la table, s’inclinant dans son fauteuil. Il avait à peine fermé l’œil cette nuit, une de ses sœurs ayant contracté une pneumonie, dieu sait comment.
– le femme du 33 bis? demanda t-il. Veines ouvertes dans la baignoire ? Pourquoi tu m’emmerdes avec ça à 9 heures du matin, Bourlin? D’après les rapports internes il s’agit d’un suicide avéré.
Tu as des doutes? Adamsberg aimait bien le commissaire Bourlin. Grand mangeur, grand fumeur, grand buveur, en éruption perpétuelle, vivant à plein régime en rasant les gouffres, dur comme pierre et bouclé comme un jeune agneau, c’était un résistant à respecter, qui serait encore à son poste à 100 ans.
– Le juge Vermillon, le nouveau magistrat zélé, est sur moi comme une tique, dit Bourlin. Tu sais ce que ça fait les tiques ?

Miettes :


Il vaquait, marchait sans bruit, il ondulait entre les bureaux, il commentait, arpentait le terrain à pas lent, mais jamais personne ne l’avait vu réfléchir. Il semblait aller tel un poisson à la dérive. Non un poisson ne dérive pas, un poisson suit son objectif. Adamsberg évoquait plutôt une éponge, poussée par les courants. Mais quels courants ? D’ailleurs d’aucuns disaient que, quand son regard brun et vague se perdait plus encore, c’était comme s’il avait des algues dans les yeux. Il appartenait plus à la mer qu’à la terre.

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Attention, se rappela t il, à force de tourner en rond, on s'enfonce dans le sol comme une vis.

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Si tu découvres un grain de beauté auquel il pousse des pattes, c'est une tique.

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Il est curieux qu'aux portes de la mort, et depuis cette place éminente, on persiste à songer à de futiles âneries, alors qu'on suppose qu'on énoncera quelque formule d'importance, qui s'inscrira au fer rouge dans les annales de la sagesse de l'humanité.

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Qui n'avait jamais vu courir le commandant Danglard en était surpris. Mélanie, depuis le pas de sa porte, regardait cet être se déplacer de la plus étrange manière, le buste sans forme projeté vers l'avant, suivi, loin derrière semblait-il, de deux jambes longues mais sans tenue, qui lui rappelaient les cierges fondus de l'église de Sombrevert. Dieu l'ait en sa sainte garde

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- In vino veritas, dit Danglard. 
- Non, Danglard. Je n'ai jamais cru que l'alcool accouchait de la vérité. Des douleurs, sans aucun doute. 
- En ce cas pourquoi l'avez-vous poussé à boire ? 
- Pour qu'il lève les freins et dévale aussi loin que possible sur la route. Ce qui ne veut pas dire qu'il a été jusqu'au bout. Même abruti, même les barrières fracassées, l'inconscient veille sur ses biens les plus précieux.

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Il va dormir comme une masse jusqu’au matin. C’est juste une cuite éclair. Il est tombé dans une bouteille de porto, il faut qu’il sèche, c’est tout.

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Les peurs qui prolifèrent dans le doute, comme des champignons dans une cave, ne peuvent être expulsées que par une connaissance certaine.

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Adamsberg posa doucement sa fourchette, comme toujours quand une idée, qui n'en était pas encore une, un embryon d'idée, un têtard montait mollement à la surface de sa conscience. A ces moments, il le savait, il ne fallait faire aucun bruit car le têtard est prompt à replonger et disparaître à jamais.

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Rhume de printemps, avait-il expliqué. Aucune différence avec un rhume d'automne, ou d'hiver, mais cela avait quelque chose de plus aérien, de moins commun, de plus gai en quelque sorte.

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Starfish - Peter Watts - ***

Inspirez, on plonge ! Starfish est un roman de science-fiction (hard-science) dont l'essentiel de l'action se déroule dans les grandes profondeurs. On y suit une équipe chargée de la maintenance d'une petite station géothermale sur le bord d'une faille volcanique. On comprend vite que le monde est en proie à une crise énergétique majeure. Evidemment, la question de l'adaptation au milieu est au centre de l'intrigue. Pour faire face à ce milieu hostile, les humains ont subi des modifications organiques leur permettant de respirer dans l'eau. On découvre rapidement que ces employés n'ont pas été choisis au hasard, mais en fonction de critères psychologiques précis, par forcément ceux que l'on choisirait pour un futur gendre... Ils devront faire face à des créatures abyssales aussi monstrueuses que fragiles, à une altération de leur métabolisme due à la composition de l'eau près du rift, à la paranoia, etc.

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans le roman. Je n'avais pas lu la quatrième de couverture (absente sur ma vieille liseuse) mais passé le premier tiers, j'ai été pris par l'ivresse des profondeurs. Les personnages aux personnalités si problématiques sont froids mais finalement attachants et les thématiques (humanité augmentée, psychologie des profondeurs, nouvelles formes de vie) prennent de la consistance. L'intrigue ne se conclut que partiellement vu qu'il y a une suite : Rifteurs. J'attendrai donc de l'avoir lue pour conclure. Rendez-vous au prochain épisode...

Quatrième de couverture:
Une grande multinationale exploite l'énergie géothermale dans les grands fonds de l'Océan Pacifique grâce notamment à des stations sous marines de contrôle. Mais vivre en huis-clos pendant de longs mois n'est pas donné à tout le monde. Aussi, la société a décidé de recruter les seules personnes aptes à subir le stress, la promiscuité, l'isolement et les dangers afférents aux abysses : des hommes et des femmes dont la psychologie est déviante... Lenie Clarke est l'une des chefs d'équipe. Comme ses compagnons, elle a d'abord suivi des tests et un entraînement rigoureux puis subi des altérations génétiques qui lui permettent d'accoutumer sa vision à l'obscurité et de respirer dans l'eau lors des sorties hors de la station. Lenie va faire face à des conflits terribles avec ses coéquipiers, tous aussi déséquilibrés qu'elle-même. Comment vont-ils tous réussir à survivre en groupe, à affronter les profondeurs de l'océan et à maîtriser leurs pulsions ?