mercredi 18 mai 2016

Des larmes sous la pluie - Rosa Montero - ****

Etats-Unis de la Terre, 2109. Les réplicants meurent dans des crises de folie meurtrière tandis qu'une main anonyme corrige les Archives Centrales de la Terre pour réécrire l'histoire de l'humanité et la rendre manipulable. Bruna Husky, une réplicante de combat solitaire décide de comprendre ce qui se passe et mène une enquête à la fois sur les meurtres et sur elle-même. Aux prises avec le compte à rebours de sa mort programmée, elle n'a d'alliés que des marginaux ou aliens, les seuls encore capables de tendresse dans ce tourbillon répressif, vertige paranoïaque qui emporte la société. Rosa Montero choisit un avenir lointain, hérité de Philip K. Dick et de Blade Runner, pour nous parler de ce qui fait notre humanité, notre mémoire et notre identité, la certitude de notre mort et de celle de ceux que nous aimons, de l'usage que nous faisons du temps qui nous est imparti. Ses personnages sont des survivants qui s'accrochent à la morale politique, à l'éthique individuelle, à l'amitié et à l'amour. Elle construit pour nous un futur cohérent, une intrigue vertigineuse et prenante qui nous touche et nous fait réfléchir. Elle écrit avec passion et humour, outils essentiels pour affronter le monde.

Miettes :
Il était déprimé par cette heure du petit matin, sale, délavée, où la nuit mourait et le jour nouveau ne pointait pas encore. Cette heure si nue qu’il n’y avait pas moyen de déguiser l’absurdité du monde.

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Octave Auguste est devenu le premier empereur romain parce que la République lui avait octroyé d’immenses pouvoirs. Et pourquoi la République avait-elle fait ça ? Pourquoi s’est-elle suicidée pour céder la place à l’Empire ? Tacite l’explique ainsi : Cuncta fessa. Ce qui veut dire : Tout le monde est fatigué. La fatigue face à l’insécurité politique et sociale est ce qui a conduit Rome à perdre ses droits et ses libertés. La peur provoque une faim d’autoritarisme chez les gens. C’est un très mauvais conseiller, la peur. Et maintenant regarde autour de nous, Bruna : tout le monde est effrayé. Nous vivons des moments critiques. Peut-être que notre système démocratique est lui aussi sur le point de se suicider. Parfois les peuples décident de se jeter dans l’abîme.

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Faire l’amour avec quelqu’un, c’est facile. Coucher avec l’inspecteur, par exemple, aurait été très simple et banal. Une gymnastique triviale vite oubliable. Mais que quelqu’un lui remette sa chaussure qu’elle avait égarée, que quelqu’un la chausse avec cette cajolerie rude, avec cette tendresse maladroite, ça, c’était impossible à surmonter. Le petit geste de Lizard l’avait laissée sans défense. Elle était perdue.

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Pourtant, tu sais… Je ne suis pas en train de dire que je veux me tuer, plus maintenant… Mais il y a quelque chose de merveilleux quand on se débarrasse de soi-même… Cette liberté suprême de cesser d’être qui on est. Me remettre à nouveau dans cette vieille peau me semble assez déprimant.

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