samedi 4 juillet 2015

Évariste - François-Henri Désérable - ****

Un style brillant, mais qui finit par lasser. 


Quartrième

À quinze ans, Évariste Galois découvre les mathématiques ; à dix-huit, il les révolutionne ; à vingt, il meurt en duel. Il a connu Raspail, Nerval, Dumas, Cauchy, les Trois Glorieuses et la prison, le miracle de la dernière nuit, l'amour et la mort à l'aube, sur le pré. C'est cette vie fulgurante, cette vie qui fut un crescendo tourmenté, au rythme marqué par le tambour de passions frénétiques, qui nous est ici racontée.







PRÉLUDE

On ne se méfie jamais assez des doigts. On a tort.
Il y a les doigts du Vieux, là-haut, qu’Il fit claquer pour se distraire, et je les imagine lissant dans la foulée sa barbe blanche après que ses lèvres, figées dans une moue incrédule, eurent prononcé mezza voce le premier son de l’Univers : oups ! Et je le vois dubitatif, le Vieux, vaguement craintif alors que déjà se met en branle la soupe informe des particules, la petite soupe primitive d’où cent millions d’années plus tard — alors, on faisait peu de cas du temps — naîtront peu à peu les galaxies, puis les étoiles, les planètes, la bonne vieille Terre sur quoi nous sommes aujourd’hui. Il ne sait pas, le Vieux, que l’on donnera un jour à son claquement de doigts originel le nom de big-bang. Pendant quelques milliards d’années Il n’ose plus toucher à rien — c’est qu’Il a peur, maintenant ! —, et Il contemple, et Il attend, et Il finit par s’emmerder (c’est long, quelques milliards d’années).
Plus tard, beaucoup plus tard, c’est encore son doigt qui va ébranler le monde. Levez la tête. Fermez les yeux. Regardez en esprit. Vous voyez, au plafond de la chapelle, la vieille main tavelée dont l’index, tendu vers celui d’Adam, premier homme putatif, va donner la vie ? Un doigt, je vous dis. Le doigt du Vieux.
Mais très vite, ce qu’Il voit lui déplaît, et Il se dit que, après tout, ce qu’il a donné peut être repris. Il décide que tel homme doit mourir et que tel autre peut vivre. Il trie et sélectionne selon son bon plaisir. Un exemple ? Bonaparte au pont d’Arcole, tel qu’Antoine-Jean Gros le représenta dans son uniforme bleu nuit, collet rouge orangé, broderies dorées, foulard noir sur chemise à col blanc, la hampe du drapeau de l’armée d’Italie dans une main et le sabre nu dans l’autre, Bonaparte qui échappe miraculeusement à la mort parce que le Vieux, Lui seul sait pourquoi, a placé Jean-Baptiste Muiron, aide de camp, entre le petit Corse et la petite balle autrichienne qui lui était destinée.
Mais la plupart du temps Il s’en fout, le Vieux. Si en dernière instance c’est toujours Lui qui décide, l’homme peut bien l’imiter, puisque le cœur lui en dit. Alors, c’est encore une affaire de doigts : voyez César, cheveux ramenés sur un front bas ceint d’une couronne de lauriers — on peut dominer le monde et avoir des coquetteries de midinette —, César drapé de pourpre dans ce laticlave qu’il tient de la main gauche tandis que la droite, indécise, tremble imperceptiblement — de l’inclinaison de son pouce dépend la vie de l’homme en contrebas. S’il le tourne vers le haut, c’est la grâce ; sinon, on sait ce qu’il advient ; on n’en saura rien pour cette fois. Car cette histoire, mademoiselle, n’est pas celle du gladiateur sans nom à la merci d’un seul doigt ; non, cette histoire est celle d’Évariste Galois, mathématicien de génie qui mourut en duel à vingt ans.

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